La lettre du jour

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La lettre du jour : 12 novembre 1694
 
Correspondance de Jean Racine
Après le départ du père de La Grange, supérieur de l’abbaye de Port-Royal depuis dix ans, Agnès de Sainte-Thècle, mère abbesse de l’abbaye sollicite Jean Racine, son neveu pour qu’il intervienne auprès de l’archevêque de Paris. Il s'agissait de proposer M. Du Tronchay, chanoine de la Sainte-Chapelle, comme nouveau supérieur. Jean Racine écrit ce billet en réponse à cette demande où il indique qu’il prendra toute sa part dans les négociations à venir sur ce sujet.
 
DE RACINE A LA MERE AGNÈS DE SAINTE-THECLE (Agnès RACINE).
 
À Versailles, le 12 novembre [1694].
Je suis parti exprès de Paris pour venir chercher ici M. l’Archevêque, croyant que je lui pourrais parler plus commodément qu’à Paris. Je lui ai parlé en effet et lui ai demandé s’il n’avait point de réponse à vous faire. Il m’a dit qu’il vous priait de lui donner encore un peu de temps, parce que la chose demandait quelques réflexions. Il dit que M. Du Tronchet est fort honnête homme, mais qu'il faut voir s'il lui convient d'être votre supérieur, et même s'il vous convient qu'il le soit. Je lui ai représenté combien il était à souhaiter qu'on ne vous donnât point un homme qui fût d'humeur à troubler et à inquiéter votre maison, et que j'espérais de sa bonté qu'il aurait soin de laisser les choses dans la paix où elles sont. Il m'a répondu fort honnêtement, qu'il vous laisserait ce choix à vous-mêmes, et qu'il y apporterait toutes les facilités qui dépendraient de lui. Il m'a fait entendre qu'il en avait déjà parlé au Roi, et je n'en ai pas douté un moment. Enfin il s'est étendu sur vos louanges, et m'a répété encore qu'il ne pouvait pas être plus satisfait de votre conduite qu'il était, et qu'il en avait plus d'une fois assuré Sa Majesté. J'ai fait mon possible pour tirer de lui une réponse plus positive ; mais il a persisté à me dire que rien ne pressait, et que la chose méritait un peu de réflexions. Voilà, ma chère tante, tout ce que je vous puis mander de ses sentiments. Je puis pourtant ajouter à cela qu'il ne m'a paru en lui aucune mauvaise intention…

Jean Racine